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— Je n’ai plus, reprit-elle, qu’une inquiétude : pardonne ce dernier effort à un amour dont tu vas devenir l’unique objet.

Je sentis ce qu’elle n’osait m’avouer. Je lui offris d’aller m’instruire du sort de ses amants et de l’effet que sa fuite avait produit. Elle m’en remercia. Je la laissai dans ma chambre, et je sortis en lui promettant de revenir au plus tôt.

Je courus la ville, je m’informai partout de ce qu’il pouvait y avoir de nouveau. J’allai jusque dans le voisinage de Verland, rien n’avait transpiré, et je jugeai que tout le désordre s’était borné à la fuite de Monique, dont on avait prudemment dérobé la connaissance au public. Je revenais annoncer cette nouvelle à ma dévote, j’allais rentrer, quand j’aperçus un domestique du couvent qui accourut à moi et me dit que le Révérend Père André lui avait ordonné de m’attendre, de me rendre une lettre et un petit sac d’argent, où je trouvai environ vingt pistoles. Je crus que ce Père voulait me charger de quelque commission dont la lettre allait apparemment m’instruire. Je l’ouvre et j’y trouve ces paroles :

Vous vous êtes trahi par les précautions que vous avez prises pour vous cacher. On vous a soupçonné, on a ouvert la porte de votre chambre, on a découvert le trésor dont vous ne vouliez pas faire part à vos Frères ; on s’en est saisi ; on a mis cette personne à la Piscine. Vous connaissez le génie des moines ; fuyez. Père Saturnin, fuyez, dérobez-vous aux horreurs d’une prison qui ne finirait peut-être qu’avec la vie.

L. P. André.

La foudre, en tombant à mes pieds, m’aurait moins étonné que la lecture de cette lettre. Un accablement