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vit, elle vint avec précipitation se jeter à mes pieds.

— Ayez pitié de moi, mon Père, me dit-elle en versant des larmes dont l’abondance l’empêcha d’en dire davantage.

— Qu’avez-vous donc ? ma chère fille, lui demandai-je, en la relevant avec empressement. Parlez avec confiance, le Seigneur est bon, il voit vos larmes, elles ont eu leur effet, et déjà il vous a fait miséricorde. Ouvrez votre cœur à son ministre.

Elle voulut parler, ses sanglots l’en empêchèrent, elle tomba évanouie entre mes bras. Embarrassé de cet accident j’aurais été assez sot pour aller chercher du secours ; déjà même j’avais fait quelques pas : la réflexion me fit revenir.

— Où vas-tu, me dit-elle ; attends-tu une plus belle occasion ?

Je m’approchai de ma dévote, je la délaçai, je lui découvris la gorge. Jamais plus beau sein ne s’était offert à ma vue. En écartant sa robe et sa chemise, je crus ouvrir le paradis. Je fixai mes yeux sur deux globes gros, blancs et fermes comme le marbre ; j’avais beau les presser, je ne pouvais les faire toucher. Je les baisais, je les pressais contre mes joues ; je collais ma bouche sur sa bouche ; je réchauffais son souffle. Sur-le-champ, emporté par un mouvement dont je n’aurais pu me rendre raison à moi-même, je courus à la porte de la rue. J’affectai de l’ouvrir et de la refermer, comme si je venais de conduire quelqu’un dehors. Je revins à ma dévote, je la pris dans mes bras, je la pressai amoureusement. Une palpitation subite me saisit.

Je la quittai, je restai tremblant à la considérer ; et tout à coup, soufflant ma lumière, je repris ma chère dévote dans mes bras. Amour ! m’écriai-je, seconde-