Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 206 —


moines attendaient le ventre creux que la charité des fidèles pourvût à leurs nécessités. On établit la confession, tout change de face, les biens fondent sur nous, bientôt nous quittons nos déserts, nous venons dans les villes renouer avec les humains, nos richesses ne font qu’augmenter à l’ombre de ce tribunal auguste. Loués soient mille fois les heureux inventeurs de cette méthode pieuse, sur laquelle Dieu verse ses bénédictions depuis tant de siècles. Amen.

Je ne vous parlerai pas de l’excellence du poste de confesseur, vous verrez par vous-même que la direction des consciences n’est pas la culture d’un terroir ingrat, quand on sait allier la connaissance du cœur humain, des ressorts qui le font agir, des passions qui l’animent, avec un air composé et dévot, un roulement d’yeux étudié, beaucoup de discrétion, beaucoup de douceur, quelque condescendance pour les faiblesses qu’il faut pardonner à la nature. Vous attirez les bénédictions du peuple, les éloges, les caresses des femmes ; elles vous adorent ; le Dieu dont elles viennent implorer la miséricorde par votre ministère est moins leur Dieu que vous. Je ne vous dirai point quel parti vous devez tirer de ces heureuses dispositions par rapport à votre fortune, votre intérêt seul vous le dictera. Mais le conseil que j’ai à vous donner c’est de plumer impitoyablement ces vieilles douairières, ces vieilles bigotes qui viennent à votre confessionnal moins pour se réconcilier avec Dieu que pour voir un beau moine. Je ne vous demande grâce que pour les jolies, parce que je la leur est faite : mais je me faisais payer d’une autre monnaie.

Une jeune fille, par exemple, ne peut faire de présents ; mais elle peut donner quelque chose de bien