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Ma foi ! je montai dans le lit, et bientôt sur ma Vénus. Elle me reçut assez froidement dans ses bras. Je fus sensible à cette marque d’indifférence, qu’elle s’imaginait donner à un amant que je croyais aimé tendrement. Je m’applaudissais de l’heureux succès que la fortune avait pris soin de donner à mes désirs, je la remerciais du moyen qu’elle me procurait de tirer une vengeance aussi douce des mépris de ma tigresse.

Je la baisais à la bouche ; je lui pressais les yeux avec mes lèvres ; je me livrais à des transports d’autant plus vifs qu’on leur avait toujours refusé la liberté d’éclater. Je lui maniais les tétons, cette gorge charmante (assurément Nicole en avait une des plus belles) ferme, élevée, grasse, blanche, des tétons bien séparés, bien formés, durs, en un mot, une gorge accomplie. Je nageais sur un fleuve de délices ; enfin j’achevai un ouvrage que j’avais souhaité tant de fois faire avec cette divinité. Je lui en donnai une si bonne dose qu’il me parut par ses hélas ! ses exclamations et ses transports, qu’elle ne s’attendait pas d’être si bien régalée. À peine eus-je fourni ma carrière, que ne me sentant que plus animé par cette première course, je repris du champ, et par une seconde, qui ne fut pas moins vigoureuse que la première, je donnai une nouvelle matière à ses éloges. Je l’avais mise en goût, et je jugeai, aux caresses, aux noms tendres qu’elle me prodiguait, qu’elle n’attendait qu’une troisième preuve de valeur pour mettre cette nuit au-dessus de toutes celles qu’elle disait que nous avions passées ensemble. Quoique je sentisse encore mon fourniment assez bien garni pour lui donner cette satisfaction, la crainte d’être surpris par l’abbé amortit un peu mon courage. Je ne savais à quoi attribuer sa lenteur. Je ne pouvais en accuser