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mon lit, je m’approchai doucement de la cloison : personne n’y était encore.

Je dis d’une voix basse à Suzon que l’on ne tarderait pas à venir.

— Mais que veux-tu donc me montrer ? me demanda-t-elle, intriguée par mes façons mystérieuses.

— Tu vas le voir, lui répondis-je ; et sur-le-champ, en avancement du privilège que je comptais que cette vue allait me donner, je la renversai sur mon lit, en tâchant de lui glisser la main sur les cuisses.

Je n’en étais pas encore à la jarretière, qu’elle se leva avec action, et dit qu’elle ferait du bruit si j’étais assez hardi pour la toucher. Elle alla même jusqu’à faire semblant de vouloir sortir : je pris cette grimace pour une marque de colère, et je fus assez simple pour m’imaginer qu’elle voulait effectivement se retirer. J’étais interdit, le cœur me battait, à peine osais-je répondre ; et quoique ce ne fût qu’en bégayant, je persuadai facilement une fille qui aurait été bien fâchée que mon silence l’eût mise dans la nécessité de joindre l’effet à la menace : elle consentit de rester. J’allais désespérer de pouvoir venir à bout de mon entreprise, quand j’entendis ouvrir la porte de la chambre d’Ambroise. Le cœur me revint, et j’attendais avec impatience que la curiosité de Suzon fit pour moi ce que je n’avais pas pu faire moi-même.

— Les voici ! lui dis-je, en lui faisant signe de se taire et en la ramenant sur le lit ; les voici, ma chère Suzon !

Je m’approchai aussitôt de la cloison ; j’écartai l’image qui dérobait à mes regards ce qui se passait dans la chambre, et j’aperçus le Père qui prenait sur la gorge de Toinette des gages peu équivoques de sa bonne