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dans ce pays-là, qui mérite réellement d’être heureux. On prétend que Votre Majesté a dit que si l’on vouloit faire un beau rêve, il faudroit… — Oui, c’est vrai, être Roi de France. — Si François I et Henri IV étoient venus au monde après V. M., ils auroient dit : être Roi de Prusse. — Dites-moi, je vous prie, n’y a-t-il donc plus personne à citer en France ? — Cela me fit rire : le Roi me demanda pourquoi. Je lui dis qu’il me faisoit penser au Russe à Paris, cette charmante petite pièce de vers de M. de Voltaire, et nous nous en rappelâmes des choses charmantes qui nous firent rire tous les deux. Il me dit : J’ai quelquefois entendu parler du Prince de Conti. Quel homme est-ce ? — C’est, lui dis-je, un composé de vingt ou trente hommes. Il est fier, il est affable, ambitieux et philosophe tour à tour ; frondeur, gourmand, paresseux, noble, crapuleux ; l’idole et l’exemple de la bonne compagnie, n’aimant la mauvaise que par un libertinage de tête, mais y mettant beaucoup d’amour-propre ; généreux, éloquent, le plus beau, le plus majestueux des hommes, une manière et un style à lui, bon ami, franc, aimable, instruit, aimant Montagne et Rabelais, ayant quelquefois de leur langage ; tenant un peu de M. de Vendôme et du grand Condé ; voulant jouer un rôle, mais n’ayant