les libratores, ils modifiaient sans mandat les modules réguliers[1] ; tantôt ils dérivaient de l’eau d’un aqueduc dans un autre, faisaient des distributions clandestines à leur profit, perçaient des trous dans les tuyaux de conduite pour donner de l’eau à des gens non dotés de concession et qui payaient sans doute grassement leur complaisance (on appelait ces saignées puncta et l’opérateur a punctis)[2] ; tantôt ils vendaient, au mépris des règlements, l’eau qui débordait des châteaux et des fontaines[3], et à l’expiration d’une concession, coïncidant avec l’inauguration d’une autre, perçaient le nouvel orifice sans boucher l’ancien[4]. Aussi Frontin, plus actif, mieux au courant et plus rigide que ses prédécesseurs, réagit-il fortement contre ces fraudes, pour le plus grand bien du public et du trésor impérial en même temps.
Les aquarii avaient cependant des chefs directs chargés de veiller sur eux, les praepositi. Mais ces agents, commis à l’inspection de l’une et de l’autre famille d’esclaves, n’étaient souvent guère plus honnêtes que leurs inférieurs et les laissaient par négligence se louer pour d’autres travaux, ou bien par cupidité les employaient eux-mêmes en dehors du service. Frontin y mit bon ordre également, en prescrivant la veille ce qui devait être fait le lendemain et en faisant tenir un registre des travaux de chaque jour[5].
Enfin venaient les simples operarii appartenant à l’une ou à l’autre familia, parmi lesquels Frontin distingue les silicarii (paveurs) ; ceux-là devaient être très occupés à cause du remaniement continuel des chaussées que nécessitaient l’enlèvement et la pose des tuyaux ; les lectores, ou faiseurs d’enduits ;
- ↑ De Aquis, 31.
- ↑ Ibid., 115.
- ↑ Ibid., 110.
- ↑ Ibid., 114. Toutes ces infractions étaient favorisées par des jaugeages défectueux opérés dans le principe, ce qui était peut-être le fait volontaire des fontainiers eux-mêmes ; en tous cas, la quantité d’eau qui devait officiellement arriver dans les châteaux d’eau était bien inférieure à celle qui pouvait y être conduite réellement. La différence était de 10.000 quinaires environ (De Aquis, 64). Ce surplus, ou bien se perdait en route par suite d’un mauvais entretien, ou bien était détourné par des fontainiers, ou bien, et c’est là le plus curieux, arrivait tout de même à Rome en partie, donnant un débit supérieur au chiffre officiel. Frontin constata en effet un volume d’eau distribué supérieur de 1.260 quinaires à ce que portaient les registres. Il reprit donc toutes les mesures exactement, remania toute la canalisation et rétablit ainsi la conformité voulue entre les registres et la réalité.
- ↑ De Aquis, 117. « Publica ministeria restituimus, ut pridie quid esset actura (familia) dictaremus, et quid quoque die egisset, actis comprehenderetur. »