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plus grand nombre : c’est dans leur œuvre que l’humanité, sous les multiples aspects de son existence antérieure, se survit véritablement. Cela est si vrai que, même aux mauvais jours où l’orgueil esthétique imprime le sceau du génie aux caprices individuels, les prétendus inspirés qui se croient le plus indépendants nous donnent le spectacle d’une incohérence maladive, quand ils n’empruntent pas leurs inspirations à des systèmes arriérés ; je ne parle pas de ceux qui, étrangers à l’imagination comme à la raison, se bornent à l’imitation, le nom d’artistes ne leur appartenant pas. Il y a plus. Examine-t-on les aptitudes et les travaux des hommes qui ont laissé des traces ineffaçables dans le monde intellectuel ? On reconnaît sans peine que, poussés par les circonstances ou les impulsions du milieu vers le genre spécial qu’ils ont cultivé, ils eussent également réussi dans la science ou dans l’art : Léonard de Vinci et Gœthe, dans une large mesure, ne sont-ils pas des savants ? Buffon et Diderot, à des titres divers, ne sont-ils pas des artistes ? Concluons donc avec Sophie Germain que si la faculté créatrice a disparu de l’esthétique avec le crédit des fictions, cette faculté peut et