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CONTE D’HIVER

Comme on vide un flacon pour en avoir l’ivresse.
Sitôt que le flacon fut vide, il le brisa,
Reparut aux boudoirs quittés, et courtisa
Une gueuse en renom, décadence plâtrée,
Affreuse, vieille, laide, atroce, — mais titrée.
Au marquis cet amour fut fatal et cruel :
Un jour on l’emporta tué dans un duel.
Certe il n’y comptait pas en échangeant sa carte ;
Mais, devant parer tierce, il avait paré quarte :
Il en mourut. Le monde eut pour lui peu de pleurs,
Et sa femme, âme ouverte à toutes les douleurs,
Fut la seule à prier, dans sa foi généreuse,
Pour celui qui l’avait faite si malheureuse.
C’est que, malgré l’injure, elle n’oubliait pas
Que cet homme flétri, vil et tombé si bas,
Etait père, après tout, de l’être, vague encore,
Que dans ses flancs féconds elle écoutait éclore.
Et l’enfant criait grâce et demandait pardon
Pour cet indigne outrage et ce lâche abandon.
Oh ! sentir son enfant vivre en elle ! être mère !