Page:Gerès - Sériac, 1888.djvu/7

Cette page a été validée par deux contributeurs.

toi ; elle te sait homme d’avenir et tu seras l’objet de son rêve !… Ainsi je t’offre ma fille : elle a cinq cent mille francs de dot !

— Où suis-je ? s’écria Sériac. Quel ignoble marché m’offres-tu là ? Aujourd’hui l’amant de la mère ; demain l’époux de la fille…

— Le hasard, un jour, l’aurait fait peut-être !…

— Je serai la risée du monde !…

— Julia est jeune. On ne lui connaît pas d’autres liaisons que celle du baron de Langedach ! C’est lui qui l’a mise au jour, qui l’a lancée. — Elle y a répondu, je l’avoue, avec entrain et dans une mesure que vous qualifiez de scandaleuse ; mais encore, elle le quitte pour t’épouser : sa vie se range, le passé s’oublie… moi, je disparais complètement… On pourra trouver singulier que tu t’en sois épris ? Ceci est affaire personnelle. Admettons que l’on cause ? Le bavardage durera quelques jours à peine… Tout brûle si vite à Paris… Alors, elle devenue ta femme, il t’appartiendra de la faire respecter et de défendre que l’on se mêle de choses sur lesquelles, toi mari, auras accepté de fermer les yeux. »

Il est certaines questions que l’on ne saurait raisonner sans être par le fait même convaincu de faiblesse, certaines propositions, qui, pour un homme de caractère sont insultantes et injurieuses, sans qu’il soit besoin d’y réfléchir. Sériac n’avait ni caractère, ni force : il discutait déjà l’offre de sa maîtresse :

« Ce sera unir ensemble la honte et le mépris, dit-il ; cette espèce de… rachat nous rendra éternellement odieux l’un à l’autre.

— Elle ne saura rien de la question d’argent.

— C’est impossible. Le moindre mot lui donnera des soupçons.

Puis dans le pressentiment de sa faiblesse il voulut couper court à l’entretien.

— Non ! non ! va-t’en ! ne me parle plus… ça me répugne ! lui cria-t-il.

— Tu me repousses… c’est fini ?…

Et comme il hésitait toujours :

— Quoi ! espères-tu donc reconquérir du jour au lendemain ta fortune perdue ? Auras-tu le courage des premières années ? Homme tombé, tu te heurteras à une méfiance qu’au moins tu n’as pas connue à tes débuts. Tu ne peux nier que les plaisirs et la prospérité n’aient singulièrement affaibli tes forces ? Et quand bien même aurais-tu la volonté d’engager la lutte, le souvenir du bonheur passé sera là, qui t’inspirera d’amers regrets et te livrera au désespoir ! D’ailleurs, il ne faut pas compter revivre dans ton monde, ce monde cynique, qui ne croit pas au malheur. Intelligent, si l’on gagne, malhonnête, si l’on perd : voilà toute sa logique ! Tu ne payeras pas et ne seras plus qu’un voleur, un voleur !… Je viens te