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ALBERT GERÈS



SÉRIAC

(ÉTUDE PARISIENNE)





Sériac ne fut pas toujours une canaille.

Jeune, doué d’une nature vive, poussé par le violent désir d’être, il dut autant à lui-même qu’aux circonstances, sa ruine morale et sa fortune matérielle.

Parti de Provence, après des études suffisantes pour ses ambitions, trop incomplètes pour ne pas détruire l’équilibre des facultés les mieux organisées, il se vit un beau matin seul, pourvu de modestes ressources, dans les rues de cette capitale dont le pavé n’appartient qu’à ceux qui possèdent ou paraissent posséder. Se contenter d’une position honorablement précaire, vivre la vie monotone, mais heureuse en somme, des âmes simples et faciles à contenter, ce pouvait bien être résolution de provincial timide, ou même affaire de résignation chez un Parisien accoutumé aux scandales de sa ville ; mais lui méridional au sang chaud, aux visées prétentieuses, à peine sut-il y consentir six mois, juste le temps d’apprentissage nécessaire pour observer, apprendre et connaître le rouage de la machine. Et quand il se fut persuadé que dans ce tourbillon les apparences l’emportaient sur la réalité, que tout se résumait en une mascarade où chaque travesti voulait avoir son succès — celui-là seul attirant les regards qui avait le mieux su chamarrer son habit, — il décida que lui aussi trouverait dans le défilé ses admirateurs et sa fortune.

De ce jour-là, sa pensée fut concentrée sur le résultat final, sans aucun souci des moyens à employer pour l’obtenir. Que dans le principe, sa conscience n’eût pas quelques hésitations, il serait injuste de le nier. Comme beaucoup, il débuta par de simples concessions ; mais l’espoir d’un lendemain plein de satisfactions, lui fit vivement rejeter les remords et les inquiétudes. Du reste, la nature ne l’avait pas doté d’un grand fonds de délicatesse ; il n’était pas homme à rester longtemps novice ou à s’embarrasser de scrupules. Avant tout, il lui fallait réussir. Si les circonstances se prêtaient à ses projets, il ne demandait pas mieux que d’éviter tout ce qui pouvait