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Va saouler d'un tyran l'injustice et la rage ;

Et son illustre main dans les fers d'un méchant, [1470]

Ne vous soutiendra point en votre âge penchant.

Ha ! Seigneur, ma constance enfin est abattue !

Le coup qui perd Tigrane est celui qui me tue ;

Le mal qu'il va souffrir est le seul que je sens,

Et j'accuse le sort qui nuit aux innocents. [1475]

Ô sort injurieux, vois comme tu disposes,

Et des événements, et de l'ordre des choses !

Grands dieux, pardonnez-moi si j'ose murmurer,

Mais ce mal est trop fort, qui pourrait l'endurer ?

OROSMANE

Le sort le plus cruel peut devenir propice, [1480]

Il a sauvé des gens au bord du précipice ;

Et dans un grand naufrage, on voit venir au port,

Des coeurs qui savent vaincre, et la mer et la mort.

Mais quand notre vaisseau périrait dans l'orage,

Manquons d'heur, Polixène, et non pas de courage : [1485]

Qui souffre constamment un destin rigoureux,

Fait voir qu'il méritait d'être moins malheureux ;