Je ne te puis sauver, c'est un acte impossible, [640]
Et je ne saurais voir ta perte trop sensible.
POLIXENE
Et par quelle raison ne le pouvez vous pas ?
N'avez-vous point un fer qui donne le trépas ?
Il faut pour me sauver d'un injuste monarque,
Que votre main me mette en celle de la parque. [645]
Croyez que cette mort n'aura rien que de doux,
Si je la puis souffrir, et pour vous, et par vous.
Donnez-la moi seigneur, consultez vous encore ?
Percez, percez ce coeur ; et puisqu'il vous adore,
Faites par votre bras qu'il puisse être en ce jour, [650]
Une belle victime, et d'honneur, et d'amour.
Toujours votre douceur exauça ma prière ;
Écoutez celle-ci, puisque c'est ma dernière ;
Et que je puisse dire, après ce coup aisé,
Que Tigrane jamais ne m'a rien refusé ; [655]
Frappez, et délivrez une âme malheureuse.
TIGRANE
Ô vertu sans pareille ! ô femme généreuse !
Ton discours me ravit, mais il me fait horreur ;
L'amour retient ce bras, que pousse la fureur ;
Mon désespoir t'accorde une injuste requête, [660]