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TIGRANE

Ô dieux ! En quel état me trouverai-je en ce jour ?

Que dois-je devenir ? Nature, honneur, amour, [320]

Hélas ! Qui de vous trois fera pencher mon âme,

Sans me combler de peine, aussi bien que de blâme ?

ô ciel trop rigoureux contre moi conjuré,

Voulez-vous que j'agisse en fils dénaturé ?

Mais aussi voulez-vous que je me rende infâme, [325]

Et que mes lâchetés abandonnent ma femme ?

Et toi puissant amour qui règnes dans mon coeur,

Pourras-tu bien te rendre, et souffrir un vainqueur ;

ô destins ennemis dont la rigueur m'oppresse !

Quoi ? Faut-il perdre un père, ou bien une maîtresse ? [330]

Et dans le triste état qui me met aux abois,

Croyez-vous qu'un esprit puisse faire ce choix ?

Oui, malgré mon amour, malgré ma jalousie,

Invisible bourreau de notre fantaisie,

La nature l'emporte, et ce premier devoir [335]

Comme étant le plus juste, a le plus de pouvoir :