Lettre d'Orosmane à Tigrane.
Espérer qu'un tyran puisse adoucir sa haine,
Ce serait manquer de raison :
Mais pour nous tirer tous de peine,
Nous ne manquons pas de poison.
OROSMANE
Traîtres, que j'ai vaincus au milieu des alarmes, [1600]
Votre fraude prétend ce que n'ont pu vos armes ;
Le démon qui vous guide a conspiré ma mort,
Mais celui qui me garde est plus grand et plus fort.
En vain par le poison vous attaquez ma vie ;
La fortune s'oppose à cette injuste envie ; [1605]
Elle vous a trahi afin de me sauver ;
Elle a bien commencé, c'est à moi d'achever ;
Oui, je me vengerai de vos projets infâmes :
Et toi coeur sans pitié qui méprise mes flammes ;
Lâche monstre d'orgueil et de déloyauté ; [1610]
Ne pense plus me vaincre avec ta beauté ;
Non, non, je n'ai plus d'yeux, je ne vois plus tes charmes ;
Je suis sourd pour tes cris, aveugle pour tes larmes ;