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coups de poing sur le clavier. Gabrielle, bondissant en arrière.) Ah !… (Petypon, voyant que son truc a réussi, se met, toujours à croupetons, à jouer l’air « des côtelettes » sur le piano.) Dieu ! le piano qui joue tout seul ! Le piano est hanté ! (Elle se sauve éperdue, et se précipite dans la pièce de droite. Elle n’a pas plus tôt disparu que, dans cette même pièce, on entend pousser un grand cri d’effroi, et Gabrielle reparaît affolée, reculant, les mains en avant, comme pour se protéger, devant l’apparition blanche qui s’avance sur elle. Les bras tendus, la tête courbée, en poussant des petits cris d’effroi, elle vient, par un mouvement arrondi, s’affaler à genoux devant le trou du souffleur, tandis qu’Émile paraît à la porte de droite, portant, à hauteur de sa propre taille et bien face au public, un mannequin d’osier revêtu de la robe de mariée à longue traîne de satin qui le dissimule complètement et qui au rayon de lune semble un gigantesque revenant. Émile, sans même se rendre compte de l’émoi qu’il cause, traverse la scène et sort de gauche deuxième plan, cependant que toute la théorie des farandoleurs, qui a fait le tour du parc et dont on entend depuis un moment les chants éloignés à la cantonade droite, fait irruption en scène, toujours dansant, et remplaçant la musique absente par des « tatatata tatatata », sur l’air de la farandole du départ. Elle pénètre par la baie du milieu, descend jusqu’à droite de madame Petypon qui crie : Grâce ! Grâce ! décrit un demi-cercle au-dessus d’elle, de façon à ce qu’elle soit toujours visible du spectateur, puis, faisant un crochet, remonte vers le fond gauche et, comme le vent, franchit la baie du milieu pour disparaître. Gabrielle, côté jardin, pendant tout ce jeu de scène.) Grâce ! Grâce ! messieurs les revenants !

À peine le dernier farandoleur a-t-il franchi la baie que Petypon bondit vers la cloche, en prend la gaine et, s’élançant vers sa femme toujours à genoux, lui couvre la tête avec. Celle-ci, en recevant la gaine, pousse un petit cri de détresse.