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ESCAL-VIGOR

dataire que ceux-ci exaspèrent leur crispante musique, Blandine est bousculée, étreinte, renversée sur un tertre par une forme humaine qui s’est ruée de derrière un buisson de genêts. L’assaillant lui retrousse les jupes, fourrage parmi ses chairs d’adolescente, la palpe, en soupirant, avec énergie mais sans brutalité, et finit par la prendre.

« Ariaan ! » Le nom qu’elle aurait voulu crier en reconnaissant le roi des Vanneurs lui est resté dans la gorge, refoulé par l’effroi. Elle éprouve une courte douleur, comme un déchirement de son ventre, suivi presque aussitôt après d’une étrange béatitude. Son être s’est-il doublé ? Doué d’une sympathie nouvelle, elle s’est projetée hors d’elle-même pour se fondre en un délice infini…

Pendant qu’il la tient sous lui, elle se sent surtout conjurée par les yeux révulsés du vanneur et elle associera, par la suite, l’imploration de ces yeux aux scintillements livides des lampyres, aux raclements des grillons, aux notes expirantes du refrain des « pays de roses » et au rythme de l’ancienne chanson d’Ariaan :

Van ! Vanne !
Vanci ! Vanla !

Le rôdeur se releva, encore pantelant, le souffle