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ESCAL-VIGOR

chés à la genette, les jambes très écartées tant leurs montures ont le dos large, d’autres assis en travers de la selle, les jambes ballant du côté du montoir, comme on les rencontre au crépuscule par les sentiers, après le labeur.

Leurs voix éclatantes se répercutent d’un village à l’autre.

— Voilà encore un rozenland ! un « pays de roses » ! disent les gamins que leur approche ameute près de l’église ; car on a dénommé « pays de roses », ces chars de joie, à cause du refrain de la ballade que les compagnons ne chantent que ce jour-là :

Nous irons au pays des roses,
Au pays des roses d’un jour,
Nous faucherons comme foin les fleurs trop belles
Et en tresserons des meules si hautes et si odorantes
Qu’elles éborgneront la lune
Et feront éternuer le soleil[1].

Des sarabandes se nouent à la porte des cabarets. Les « pays de roses » — le nom a passé des chars à la charretée humaine — envahissent la salle en vacarmant comme un sabbat. À chaque étape, on emplit de bière et de sucre un énorme arrosoir

  1. Voir, dans les Nouvelles Kermesses : La Fête des SS. Pierre et Paul.