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ESCAL-VIGOR

représentait un des soucis du consistoire.

Aussi l’évêque du diocèse dont l’île dépendait venait-il d’y envoyer un dominé[1] militant, plein d’astuce, sectaire malingre et bilieux, nommé Balthus Bomberg, qui brûlait de se distinguer et qui s’était un peu rendu à Smaragdis comme à une croisade contre de nouveaux Albigeois.

Sans doute en serait-il pour ses frais de catéchisation. En dépit de la pression orthodoxe, l’île préservait son fonds originel de licence et de paganisme. Les hérésies des anversois Tanchelin et Pierre l’Ardoisier qui, à cinq siècles d’intervalle, avaient agité les pays voisins de Flandre et de Brabant, avaient poussé de fortes racines à Smaragdis et consolidé le caractère primordial.

Toutes sortes de traditions et coutumes, en abomination aux autres provinces, s’y perpétuaient, malgré les anathèmes et les monitoires. La Kermesse s’y déchaînait en tourmentes charnelles plus sauvages et plus débridées qu’en Frise et qu’en Zélande, célèbres cependant par la frénésie de leurs fêtes votives, et il semblait que les femmes fussent possédées tous les ans, à cette époque, de

  1. Dominé, pasteur protestant.