Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104
ESCAL-VIGOR

tant moins aujourd’hui que vous êtes libre, la chère défunte ayant essayé de reconnaître vos dévoués services en vous assurant de quoi ne dépendre de personne… Vous pourrez donc vous établir avantageusement…

Il allait ajouter « et trouver un mari », mais les yeux de plus en plus éplorés de sa maîtresse lui firent sentir que cette parole eût été abominable.

— Oui, poursuivit-il en lui prenant les mains et en la regardant de ces yeux énigmatiques dans lesquels il y avait à la fois du malaise et de l’exaltation, vous méritez d’être heureuse, très heureuse, ma bonne Blandine !… Car vous fûtes si affectueuse, même meilleure que moi, son petit-fils, pour la morte bien aimée… Ah ! moi, je lui occasionnai bien des soucis, — vous en savez quelque chose, vous sa confidente, — je la navrai bien malgré moi, mais cruellement tout de même… Et peut-être par mon caractère inégal et mes nombreuses frasques, ai-je hâté sa fin… Mais crois-moi bien, Blandine, ce n’était pas de ma faute : non, non, jamais je ne le faisais exprès… Il y avait autre chose, des choses que personne, pas même toi, ne pourrait comprendre et s’imaginer ; la fatalité, l’inexplicable s’en mêlait…