Page:Georges Duhamel - Civilisation MCMXIV-MCMXVII, 1921.djvu/48

Cette page n’a pas encore été corrigée

32 CIVILISATION

Je n’étais déjà point enclin à la joie, mais tout cela m’enivrait de tristesse.

Promenant mes regards sur ce qui m’entourait, je ne trouvais à les reposer que dans les yeux innocents des chevaux, ou dans ceux même de quelques hommes malheureux et timides qui travaillaient au bord des pistes. Tout le reste du monde n’était qu’un hérissement belliqueux.

A la nuit tombante, nous arrivâmes dans la ville des tentes. L’adjudant me conduisit vers une tortoise et m’y fit trouver une place sur la paille qui sentait la porcherie. Je posai mon sac, m’étendis et m’endormis.


Levé avec le petit jour, je voguais à travers le brouillard et cherchais à comprendre.

Il y avait une route, celle d’Albert, usée, creusée, surmenée de besogne. Elle charriait le flot incessant des blessés. Au bord de la route se dressait la ville des tentes, avec des rues, des faubourgs, des places publiques. En arrière des tentes, un cimetière. C’était tout.

J’étais accoudé à un pieu ; je regardais le cime-