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les lanternes s’allument et une vie nocturne commence, extraordinaire, où tous les passants ressemblent à des fantômes. Alors les chapeaux biscornus et les habits blancs, éclairés par un falot qui tremble, font le plus d’effet. La rue est animée par une foule de gens qui vont rendre des visites et profiter de la chandelle du voisin ; c’est l’heure où les captives, étroitement gardées par un jaloux toute la journée, ont la permission de prendre l’air. Autrefois la ville leur appartenait la nuit et les hommes ne pouvaient s’y promener ; cet usage a disparu, mais les femmes ont gardé l’habitude de se sentir plus libres chaque soir. Les petites bourgeoises vont à pied, elles mettent trois ou quatre robes de soie pour se donner de l’importance, s’encapuchonnent dans le grand manteau aux manches flottantes, et, serrées de près par une vieille servante, vont faire leur tour de ville. Les plus riches vont en chaise, dans une boîte tapissée de peaux de léopard ou de soieries, portée vivement sur les épaules de quatre domestiques. La présence de ces femmes dans les ruelles sombres est très mystérieuse : elles doivent