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d’un large coutelas, et dit enfin au jeune homme qui le regardait tranquillement :

— Où veux-tu que je t’éventre, blanc-bec ? Ici ou dehors ?

— Ni là, ni là, riposta l’autre, et, si tu insistes, vieille carne de buffle, je t’ouvrirai la bidoche moi-même comme à une truie grasse.

Déjà le vieux sautait sur lui. Mais l’adolescent semblait rompu à toutes les ruses de guerre. Il fit un écart, leva l’escabeau où il était assis, et le jeta à la face de son adversaire.

— À la porte ! cria, devant le tumulte, la masse des buveurs de ce cabaret, où certes chacun aimait à se battre, mais pour son compte et sans être éclaboussé par les querelles d’autrui.

— Viens donc, sourit le jeune homme, que je te coupe tes pendants. Il paraît que cela porte bonheur.

Il sortit. L’autre suivit et le silence revint dans la vapeur de pipes qui flottait sur la tête des ivrognes de l’auberge.

Seule la fille-aux-seins-rouges demanda :

— Qui vient avec moi assister le beau gars contre le vieux magot.

Personne ne bougea.

— Crevez donc, tas de gobe-courges, dit alors la femme qui sortit seule.

Elle fut saisie par le brouillard et éternua. La nuit était compacte. Très loin, on voyait la lanterne qui se tient sous la statue de la Vierge du Port, à l’angle de la rue Coupe-Digue et de l’impasse de la Foux. La femme chercha les deux combattants qui semblaient disparus.