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On était au dix-huit juin, à midi. La chaleur lourde abêtissait l’équipage, étendu, hors trois hommes, sur le gaillard d’arrière abrité par une toile.

Les trois pirates de quart se trouvaient, l’un dans la hune, l’autre sur le château de poupe et le dernier au gouvernail. Le vent était plein-arrière, mais léger et douceâtre ; il imprimait au bateau une vitesse modeste et presque bourgeoise…

Or, l’homme de la hune cria :

— Voile à bâbord-avant.

Il y eut un léger tumulte, tout le monde se leva pour regarder dans la direction indiquée.

Trois minutes passèrent, et, peu à peu, on vit sortir de l’océan, très loin un navire de taille supportable, avec peu de voilure et qui pouvait s’attaquer certainement s’il n’était pas trop armé…

Pour connaître l’armement du survenant, il fallait attendre un peu. Tout le monde se dissimula. Le capitaine, ivre-mort, mais rendu solide par l’espérance de la bataille, se mit à blasphémer avec une ardeur que depuis longtemps on ne lui connaissait plus.

Adussias sentait sourdre au fond d’elle-même une légère angoisse qu’elle dissimulait sans façons, mais qui donc, à son premier assaut, dans le monde de la piraterie, ne se sent pas un rien ému ?

Le chirurgien était tôt descendu préparer ses pansements et ses scies, car on pouvait facilement prévoir qu’il y aurait bientôt des amputations à faire et des sutures à confectionner sur des têtes fendues, des panses ouvertes, et des membres maltraités.

Quant au marquis, il chantait avec une humeur char-