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on le sait, entre Cadix et Tanger. On avait louvoyé tout le jour assez loin des côtes espagnoles, et on attendait la nuit pour passer, car six vaisseaux du Roi surveillaient le détroit. Or, il était six heures du soir, quand la vigie signala une frégate en haute mer. Que faire ?

Se rapprocher d’Espagne ne laissait pas d’être scabreux, car le Rouquin était connu pour avoir dépouillé et coulé bas trois bateaux de sa Majesté Catholique, l’année précédente.

Et tout le monde devait savoir, en sus, qu’il montait, à cette heure, le Saint-Elme. D’autre part, la frégate était anglaise. Il ne fallait pas oublier que huit des meilleurs amis du capitaine, avaient fini sur le quai des exécutions de Glasgow, et qu’il avait lui-même détroussé naguère le Cownbray, appartenant à Lord Churchill. Les pierres précieuses vendues à Toulon et acquises par l’amiral de Galmier venaient d’ailleurs du Cownbray. Il était, par conséquent, fort dangereux de se laisser accoster par la frégate.

Le second eut l’idée d’une manœuvre heureuse. On se dirigerait familièrement vers le navire de guerre, très nettement, mais avec une extrême lenteur, de façon à en être assez loin encore lorsque la nuit viendrait. Alors on virerait et adieu…

Ce plan réussit. La frégate, voyant ce vaisseau de commerce, de nationalité incertaine, mais visiblement peu armé, venir à couper sa route ne se hâta pas au-devant. La nuit naquit à temps et on se jeta vers Gibraltar à pleines voiles…

De délices, après ce danger, l’équipage voulut posséder Adussias toute la nuit.