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si aptes à l’amour que les pirateries de terre font aux tire-laine et détrousseurs de voyageurs…

Ainsi allait donc le bateau, magistralement mené au demeurant par le Rouquin, qui était un prodigieux marin, devinant, même ivre-mort les coups de vent deux heures avant qu’ils se produisissent. Le second qui avait cinquante-cinq ans de navigation, ayant commencé à dix ans dans la piraterie de haut bord, ne la lui cédait en rien.

Il fallait se méfier, dans les parages où croisait le bateau, car presque tous les grands pays d’Europe y avaient envoyé des galères puissantes que leur chiourme rendait invincibles à la marche. Elles portaient, en sus, des soixante pièces de huit et même des cent vingt pièces de six, devant quoi le courage du bandit est impuissant à se défendre…

Cependant, on ne pouvait rester à naviguer longtemps sur une mer aussi dangereuse. Le Rouquin, qui avait espéré attaquer quelque navire vénitien chargé de richesses orientales et de pierres fines, conclut à l’inutilité de persister dans cette entreprise et l’on revint vers l’Océan.

La vie à bord était vraiment heureuse et paisible. Tous les historiens de la flibuste et des pirates : Œxmelin, Johnson et Daniel de Foe, sans compter une douzaine de révérends et de gouverneurs coloniaux qui ont écrit leurs souvenirs, veulent présenter la vie boucanière sous la forme d’une misère atroce et sans cesse apaisée en combats singuliers. Il n’y avait rien de tel à bord du Saint-Elme. Adussias était la femme du capitaine lorsqu’il était à jeun et celle de tout l’équipage, quand le capitaine était saoul. L’alcool abondait dans les cales,