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qui multiplioit ses rapports avec les grands et augmentoit encore son crédit. Mais une catastrophe prochaine devoit faire tomber du faîte des grandeurs son puissant protecteur, et entraîner le protégé dans sa chute.

Le cardinal de Rohan, au comble des honneurs et des dignités, n’avoit plus qu’un désir, c’était de récupérer les bonnes grâces de la reine, qu’il avoit perdues par la lettre mordante, quoique véridique, qu’il avoit écrite sur Marie-Thérèse, et par des propos indiscrets que des courtisans aussi méchans que jaloux lui imputaient. Pour parvenir au but qu’il désiroit, il acheta un collier d’un grand prix, pour en faire hommage à cette princesse, sur la trompeuse incitation de la plus fourbe et de la plus intrigante des femmes, qui voulant s'approprjer ce collier, lui fit accroire que la reine le désiroit, et que, par son entremise, cette princesse daigneroit agréer ce précieux cadeau. De cette intrigue est sorti ce singulier procès qui a retenti dans toute l’Europe, et dans lequel on a vu figurer un prince de l’église, arrêté en pleine cour revêtu de ses habits pontificaux, conduit à la Bastille, et traduit au parlement pour être jugé comme faussaire et coupable du crime de lèse-majesté.

Depuis quelque temps l’abbé Georgel, qui désapprouvoit les liaisons inconvenantes du cardinal avec madame de la Motte, Cagliostro et d’autres intrigans semblables, s’étoit insensiblement éloigné de ce prince ; il n’étoit plus son confident, et ne le voyoit absolument que pour lui soumettre son travail de grand-vicaire. Mais lorsqu’il vit son bienfaiteur malheureux, ce fut alors que le plus vif intérêt se réveilla dans son âme généreuse, qu’il sentit renaître dans son cœur ce profond attachement que des torts passagers avoient altéré ; ce fut alors qu’il lui montra le plus grand dévouement, et qu’il mit en usage tous ses moyens pour le tirer de l’abîme où son imprudence l’avoit précipité.