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duite envers son accusateur et les personnes qui avoient cru devoir lui révéler les entretiens qu’elles avoient dû à « a confiance en elles. Par ce moyen il répondoit à toutes les questions insidieuses, sans crainte de se compromettre ou de se contredire ; et quant aux autres questions, il se bornoit simplement à dire : Répondu par tel numéro. Resté seul avec le commis-greffier pendant la rédaction de la première réponse, il s’arrangea pour avoir copie de la plainte, des questions, des réponses et des dépositions des témoins ’(i). Muni de toutes ces pièces, il interjeta appel au parlement du décret de soit ouï, qui, par le crédit de ses adversaires, pouvoit être converti par le Châtelet en un décret ignominieux d’ajournement personnel. Cet appel fut un coup de massue pour le comte de Broglie, qui auroit bien voulu ne pas avoir entamé ce procès, mais qui, dans l’état où en étoient les choses, ne pouvoit plus reculer. M- Tronçon - Ducoudray, jeune avocat de la plus belle espérance, fut chargé de la plaidoirie, d’après le refus de Target dont il était l’élève (2), Un autre jeune homme non moins éloquent, M. Debonnières, lui fut opposé. Tous deux firent preuve de beaucoup de talent, et le public s’arrachait les mémoires, qui paroissoient dans cette affaire. Enfin, après six grandes audiences où l'avocat-général Séguier avait porté la parole avec cette éloquence qu’il savoit si bien faire briller

(t) C’est avec des argumens, que Beaumarchais appelle irrésistibles, qu’il obtint ces pièces si essentielles à sa défense et à la rédaction d’un mémoire qu’il projetait ; ce qui prouve que le greffe du Châtelet pouvoit s’ouvrir comme toutes les autres portes, avec une clef d’or.

(2) C’est ce même avocat que nous avons vu si éloquent dans l’affaire du comité révolutionnaire de Nantes, et qui par suite du 18 fructidor, est allé expirer sur les plages brûlantes de la Guiane. Il a été l’un des défenseurs de Marie-Antoinette au tribunal révolutionnaire, d’exécrable mémoire.