Page:Georgel - Mémoires pour servir à l’histoire des événements de la fin du 18e s. depuis 1760 jusqu’en 1806-10, tome 1.djvu/18

Cette page n’a pas encore été corrigée

lable dans sa résolution. Le comte, affecté et humilié d’un pareil refus, imagina qu’il ne pouvoit provenir que d’une antipathie du premier ministre, le comte de Maurepas, à son égard ; et comme il savoit que l’abbé Georgel étoit parfaitement bien avec ce ministre, il le fit sonder par plusieurs amis communs, dans la vue d’obtenir, par son canal, la certitude de ce qu’il imaginoit. L’abbé qui ne se doutoit nullement du but de ces prétendus amis qui avoient l'air d’invoquer sa protection en faveur du comte de Broglie, s’ouvrit avec un peu trop de confiance, et dit à peu près ce qu’il savoit sur les motifs probable de son exclusion de la place qu’il désiroit. Il répéta ce qu’il avoit appris par ouï-dire, non de M. de Maurepas lui-même, mais d’un M. de Limon, savoir, que le comte de Broglie avoit écrit une lettre au maréchal son frère, pour l’engager à profiter de sa position pour tâcher de culbuter le ministère. Ces confidences, rapportées au comte de Broglie, ne lui parvinrent qu’altérées et dénaturées mais il saisit avec empressement le moyen qu’il y crut trouver de prendre l’avantage sur le ministre ou sur son protégé. Il dressa, en conséquence, une plainte au criminel, dans laquelle il accusoit l’abbé Georgel d’avoir été non-seulement le colporteur, mais encore le fabricateur de la lettre qu’il lui imputoit. Cette affaire fut d’abord portée au Châtelet où l'abbé, subit un interrogatoire sur des questions très-artistement et très-méchamment posées. Ces questions, ainsi que la plainte, fort bien motivée, avoient été rédigées par les célèbres avocats Target et Élie de Beaumont. L’accusé ne pouvait que se fourvoyer dans ce labyrinthe de pièges, s’il n’avoit pas eu pour le diriger un vieux procureur très-rusé, nommé Desjobert, que lui avoit indiqué M. de Maurepas. Dès la première question, d’après l’avis de l’habile praticien son conseil, il dicta et développa, pendant deux heures, la chaîne des faits et des ouï-dire avec l’exposé de sa con-