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ques particulières de confiance dont l’honorèrent à son retour MM. les comtes de Maurepas, du Muy et de Vergènnes. Il sut conserver l’estime et la bienveillance de ces ministres jusqu’à leur mort ; aussi le haut crédit dont il jouissoit auprès d’eux, et surtout auprès du comte de Maurepas, lui procura-t-il une sorte de clienlelle parmi les grands seigneurs de la cour. Mais s’il laissa pénétrer jusqu’à son cœur quelques-unes de ces illusions qui flattent l’homme en crédit, quand il se voit recherché par les personnages du premier rang, il put aussi, par compensation, s'apercevoir bientôt des dangers qui menacent l’imprudent engagé dans ce terrain mouvant où d’arides et poignantes épines ne tardent pas à succéder à l’éclat imposteur de quelques fleurs passagères. À la suite de sollicitations en faveur du comte de Broglie, et pour quelques propos épanchés avec l’effusion d’une intime confiance, il eut le désagrément de se voir enveloppé dans une procédure, du labyrinthe de laquelle il sortit triomphant, autant par son crédit et ses talens que par la justice de sa cause. Comme cet événement forme une épisode remarquable de sa vie, nous croyons devoir en parler avec quelques détails.

Lors de la guerre d’Amérique, en 1778, le gouvernement français eut le projet y ou plutôt la velléité de faire une descente en Angleterre : il ordonna, en conséquence, la formation d’une armée de soixante mille hommes sur les côtes de la Normandie. Le maréchal de Broglie, qui s’était illustré par de hauts faits d’armes dans la guerre de sept ans, en eut le commandement. Son frère, le comte de Broglie, militaire aussi très-distingué, mais encore plus connu comme diplomate que comme guerrier, fut proposé par lui pour remplir la place de maréchal-général-des-logis de cette armée. Malheureusement il fut refusé, et malgré diverses tentatives de son frère le maréchal pour le faire nommer, le roi resta inébran-