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bonheur de faire la découverte d’un inconnu qui lui assignoit des rendez-vous nocturnes, et qui, moyennant quelques centaines de ducats, lui procuroit, deux fois la semaine, la copie de toutes les dépêches secrètes des cours étrangères que le cabinet de Vienne se procuroit par l’infidélité des maîtres de postes des frontières. C’étoit là un véritable trésor politique. Il s’empressa de le communiquer à la cour de France qui complimenta l’ambassadeur sur cette précieuse découverte, parce qu’elle jetoit un grand jour sur les secrets diplomatiques de l’Europe. C’est par cette voie qu’il eut connaissance de la correspondance secrète de Louis XV avec ses ministres et ses agens dans les cours étrangères, correspondance d’abord dirigée par le prince de Conti, ensuite par le comte de Broglie, secondé par son secrétaire Favier. Les détails qu’il donne à ce sujet dans ses mémoires sont très-intéressans.

Après le départ du prince Louis, il fut chargé des affaires de France jusqu’à l’arrivée du nouvel ambassadeur ; ce qui prolongea d’une année son séjour à Vienne. Pendant cet intérim il continua de servir avec le même zèle le gouvernement dont il étoit l’envoyé. L’inconnu ne cessa d’être fidèle à ses rendez-vous nocturnes, et la transmission des dépêches, à lui communiquées lui valut une lettre de félicitations du nouveau ministre des affaires étrangères, le comte de Vergennes, qui lui mandoit que sa majesté attachoit le plus grand prix à la continuation de cette correspondance, service le plus décisif pour obtenir les grâces du roi. Le nouveau ministère lui témoigna aussi le désir d’avoir un tableau statistique bien détaillé de la monarchie autrichienne, ainsi que l’état politique de ses relations avec les cours de Berlin, de Pétersbourg et de Constantinople. Ces tableaux furent dressés, envoyés et lus au conseil du roi. L’intérêt avec lequel ils y furent accueillis valut à leur auteur les mar-