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disgracié, résolut d’y faire nommer le prince Louis de Rohan. Une belle figure, une élocution facile, un esprit vif et fécond, beaucoup d’élégance dans les manières, toutes ces brillantes qualités rehaussées encore, par l’éclat d’une illustre naissance, que falloit-il de plus pour rendre ce prince digne de remplir cette honorable et importante fonction ? Mais la difficulté étoit de le déterminer à l’accepter ; et pour la lever, M. d’Aiguillon s’étoit adressé à M. de Beaumont, archevêque de Paris, pour qui le prince Louis avait les égards et la déférence dus à ses hautes vertus. Ce respectable prélat, qui honorait l’abbé Georgel de sa bienveillance, et qui connaissoit son influence sur le prince, son protecteur, le chargea de sonder ses dispositions sur les vues du ministre. Mais un refus bien formel fut sa réponse, et ce refus était motivé sur sa répugnance à déplacer le baron de Breteuil, sur l’espèce d’incompatibilité de cette mission avec les prérogatives auxquelles prétendoit la maison de Rohan, comme issue des anciens ducs de Bretagne ; enfin sur son peu d’aptitude à la carrière diplomatique dont les études qu’elle exige n’étoient point entrées dans le plan de son éducation. L’abbé Georgel fut chargé de faire connoître ce refus ainsi motivé à M. de Beaumont ; et le duc d’ Aignillon, qui en fut aussitôt instruit, et qui, par des vues particulières, plutôt que par intérêt pour le prince, désiroit le porter à cette place, voulut s’aboucher avec lui, et il fut convenu avec M. l’archevêque qu’une entrevue, où il seroit appelé, aurait lieu à Conflans, maison de campagne de l’archevêché de Paris. Rien ne fut négligé dans cette conférence par MM. de Beaumont et d’Aiguillon, pour déterminer M. le coadjuteur à se prêter aux désirs du ministre. Le prince Louis céda enfin à leurs sollicitations ; et il est permis de croire qu’il se laissa prendre à l’appât de belles promesses que le duc d’Aiguillon ne se pressa pas ensuite de réaliser. Quoi qu’il en soit, il fut aussitôt revêtu du titre d’ambassadeur