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famille de répondre au mémoire, et de prouver la certitude de son origine souveraine. L’abbé Georgel fut changé de ce travail ; il s’en acquitta avec le plus grand talent, et prouva, de la manière la plus évidente, la descendance de la maison de Rohan des anciens souverains de Bretagne. Le succès de son livre, qui fut présenté au roi, assura à cette maison les prérogatives dont elle était en possession.

Pendant cette querelle, aujourd’hui presque sans intérêt, mais qui fit grand bruit dans le temps, le duc de Choiseuil eut la maladresse de se faire expulser du ministère par une femme qu’un peu de prévenance aurait attachée à son char, et que par respect pour son maître, et son bienfaiteur il aurait dû épargner davantage[1].

Le duc d'Aiguillon, son antagoniste, fut chargé du portefeuille des affaires étrangères. Ce nouveau ministre voulant donner de l’éclat à son ministère, et écarter de l’ambassade le baron de Breteuil, créature du ministre

  1. On a attribué à des sentimens de délicatesse la haine de M. de Choiseuil contre madame du Barry. Mais le courtisan qui avoit fléchi le genou devant la marquise de Pompadour, valant, à tout considérer, infiniment moins que madame du Barry, pouvait bien témoigner quelques égards à une femme, à la vérité, peu digne d’un grand respect, mais que le seul sentiment des convenances commandoit de ne pas livrer à des railleries insultantes dont il étoit bien difficile que les fâcheux effets ne retombassent pas sur son royal amant. Au reste, la caricature que le parti Choiseuil a fait faire de madame du Barry, par les chansonniers et les pamphlétaires du temps, n’est aucunement ressemblante au vrai portrait de cette dame qui avait reçu une certaine éducation, qui avait de l’esprit, des grâces, une beauté éclatante, et surtout un excellent cœur. L’abbé Georgel, qui n’aimoit pourtant pas le duc de Choiseuil, parle de madame du Barry, dans ses mémoires, avec les préjugés répandus dans le public par le parti de ce ministre. J’ai vu plusieurs personnes qui l’ont connue particulièrement, et qui en ont conservé une toute autre idée