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offrir quelque intérêt romanesque si ses maux de tête chroniques eussent été le résultat de quelque pathétique histoire d’amour trompé ; mais on n’avait jamais su ou inventé de fable semblable à son égard, et l’impression générale s’accordait avec la vérité : c’est que les deux sœurs étaient restées vieilles filles par la très-prosaïque raison qu’elles n’avaient jamais reçu de demande acceptable.

Toutefois, et cela semble un paradoxe, l’existence de personnes même insignifiantes a des conséquences importantes dans ce monde. On peut prouver que cela agit sur le prix du pain et le taux des gages, que cela peut faire sortir bien des mauvais caractères de leur égoïsme et faire naître des héroïsmes de sympathie, pouvant ainsi, de différentes manières, jouer un assez grand rôle dans la tragédie de la vie. Et, sans ces deux sœurs vouées au célibat, le sort de ce ministre à belle figure et sang généreux, le révérend Adolphus Irwine, se fût trouvé bien différent. Très-probablement il eût pris une gentille femme dans sa jeunesse, et maintenant que ses cheveux grisonnent sous la poudre, il aurait de grands fils et des filles au teint frais ; il jouirait, en un mot, de ce que les hommes pensent généralement devoir être le prix de leurs travaux sous le soleil. Tant il y a que, ne possédant, malgré ses trois bénéfices, que sept cents livres (sterling) par année, et ne voyant aucun moyen d’entretenir sa splendide mère et sa sœur malade, sans parler de la seconde, au nom de laquelle ne s’ajoutait aucun adjectif, sur un pied qui convînt à leur naissance et à leurs habitudes, et de pourvoir en même temps à l’entretien d’une famille à lui, il était resté, comme vous le trouvez à l’âge de quarante-huit ans, célibataire, sans se faire aucun mérite de ce renoncement. Mais il disait gaiement, si quelqu’un touchait à ce point dans la conversation, que c’était une excuse pour se permettre beaucoup de petites douceurs qu’une femme n’aurait pas autorisées. Il était