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même pour lui, afin d’éviter l’ennui de mettre ou quitter ses bottes, appréciera l’importance de ce détail. Les sœurs de M. Irwine, comme aurait pu l’affirmer toute personne bien née à dix milles à la ronde de Broxton, étaient d’un physique qui n’offrait rien d’intéressant. C’était vraiment dommage que cette remarquable madame Irwine eût des filles si prosaïques, si peu semblables à elle. Il valait la peine de faire une course de dix milles, quelque temps qu’il fît, pour voir cette belle vieille dame. Sa beauté, ses facultés bien conservées, sa dignité, ses habitudes de bon ton, en faisaient pour la société un sujet très-précieux à traiter, aussi bien que les détails sur la santé du roi, les charmants nouveaux modèles de costume en coton, les nouvelles d’Égypte et le procès de lord Darcey, qui agitait à mort cette pauvre lady Darcey. Mais personne ne pensait jamais à faire mention des demoiselles Irwine, excepté les pauvres gens du village de Broxton qui les regardaient comme très-versées dans l’art médical, et en parlant d’elles les appelaient vaguement « les Dames. » Si quelqu’un eût demandé au vieux Job Dummilow qui lui avait donné son gilet de flanelle, il aurait répondu : « Les Dames, l’hiver dernier. » et la veuve Steine appuyait beaucoup sur l’efficace de la chose que les Dames lui avaient donnée pour sa toux.

C’est sous cette appellation aussi qu’elles étaient évoquées avec grand succès pour corriger les enfants indociles, si bien qu’à la vue de la pauvre figure amaigrie de miss Anne beaucoup de petits oursons étaient effrayés par la persuasion quelle connaissait toutes leurs plus mauvaises malices et savait précisément le nombre de pierres qu’ils avaient voulu jeter aux canards du fermier Britton. Mais pour tous ceux qui les voyaient à travers un verre moins prismatique, les demoiselles Irwine n’étaient que des existences inutiles ; des figures peu artistiques remplissant le tableau de la vie sans rien ajouter à l’effet. Miss Anne, il est vrai, aurait pu