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famille de votre mère, Arthur. Si vous eussiez été un de ces petits êtres chétifs, secs et jaunes, je n’aurais pas voulu être votre marraine. J’aurais été sûre que vous deviendriez un vrai Donnithorne. Mais vous étiez un petit drôle si large de face et de poitrine, et qui criait si fort que je reconnus que vous étiez tout Tradget.

— Mais vous auriez pu juger un peu légèrement, ma mère, dit M. Irwine en souriant. Ne vous rappelez-vous pas les deux derniers petits de Junon ? L’un d’eux était l’image complète de sa mère ; mais il avait cependant deux ou trois des petits défauts de son père. La nature est assez habile pour pouvoir tromper, même ma chère mère.

— Pas du tout, enfant. La nature ne fait jamais un furet d’un mâtin. Vous ne me ferez jamais croire que je ne puisse reconnaître ce que sont, les gens d’après leur extérieur. Si je n’aime pas le regard d’un homme, soyez sûr que je ne l’aimerai pas lui-même. Je ne désire guère plus faire la connaissance des gens à figure laide et désagréable que de goûter aux mets qui me paraissent répugnants. S’ils me donnent un frisson à première vue, je dis : « Emportez-les. » Des petits yeux laids, des yeux de cochon ou de poisson me rendent tout à fait mal à l’aise ; c’est comme une mauvaise odeur.

— À propos d’yeux, dit le capitaine Donnithorne, cela me fait penser à un livre que j’avais l’intention de vous apporter, marraine. Il m’est venu dans un paquet de Londres, l’autre jour. Je sais que vous aimez les histoires originales et fantastiques. C’est un volume de poésies : Ballades lyriques ; la plupart me paraissent des paroles vides ; mais la première est d’un tout autre style : l’Ancien Marin en est le titre. Comme histoire, je puis à peine y trouver une tête et une queue, mais c’est curieux et amusant. Je vous l’enverrai ; il y a aussi quelques autres livres que vous serez bien aise d’examiner, Irwine, des brochures