Page:George Eliot Adam Bede Tome 1 1861.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
adam bede.

agréablement à travers les champs, entre des haies où le chèvrefeuille et l’églantier s’épanouissaient, tandis que les oiseaux sautillaient en gazouillant dans l’épais feuillage du chêne et de l’ormeau. Quel tableau singulièrement contrasté ! la fraîche aurore d’une matinée d’été offrant la paix et le charme d’Éden, la forte stature des deux frères dans leurs rudes habits de travail, et ce long cercueil sur leurs épaules ! Ils s’arrêtèrent enfin devant une petite ferme hors du village de Broxton. À six heures, leur tâche était terminée, le cercueil fermé, et Adam et Seth revenaient chez eux. Ils prirent pour le retour une route plus courte à travers les prés, qui les amenait vers le ruisseau devant leur maison. Adam n’avait point parlé à Seth de ce qui était arrivé dans la nuit, mais il en gardait encore une impression suffisante pour lui dire :

« Seth, mon garçon, si le père n’est pas de retour quand nous aurons déjeuné, je crois que tu ne feras pas mal d’aller à Treddleston voir ce qu’il fait et me chercher le fil d’archal dont j’ai besoin. Ne l’inquiète pas de perdre une heure de travail ; nous arrangerons ça. Qu’en dis-tu ?

— Je veux bien, dit Seth. Mais regarde comme les nuages se sont amoncelés depuis notre départ. Je crois que nous aurons encore de la pluie. Ce sera un triste temps pour les fenaisons, si les prés sont encore inondés. Le ruisseau est déjà tout plein ; encore un jour et il passera par-dessus la planche, et il nous faudra faire le tour par la route. »

Ils traversaient alors la vallée et venaient d’entrer dans la prairie, coupée par le ruisseau.

« Mais qu’y a-t-il d’arrêté contre le saule ? » continua Seth en accélérant sa marche. Adam frémit en son cœur ; sa vague inquiétude à l’égard de son père se changea en crainte terrible. Il ne répondit pas, mais s’élança, précédé de Gyp, qui commença à aboyer tristement, et dans quelques instants il fut au pont.