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adam bede.

supporter les infirmités de ceux qui sont faibles, et ne pas chercher leur bon plaisir à eux-mêmes. » Voilà un texte qui n’a pas besoin qu’on l’éclaire pour le voir ; il brille de sa propre lumière. Il est assez sûr qu’on est dans la mauvaise route, dans cette vie, si l’on court après ceci ou cela dans le seul but de trouver les choses faciles ou agréables. Un porc peut planter son groin dans son auge et ne penser à rien de ce qui est en dehors ; mais si on a un cœur d’homme et une âme, on ne peut être satisfait de se faire un bon lit et de laisser les autres coucher sur la dure. Non, je ne me détacherai jamais du joug pour laisser tirer le fardeau par de plus faibles. Le père est une triste croix pour moi, et le sera probablement encore pour bien des années. Qu’y faire ? J’ai bonne santé, bons bras, et du courage pour le supporter. »

Dans ce moment un violent coup se fit entendre à la porte de la maison, et Gyp, au lieu d’aboyer, ainsi qu’on aurait pu s’y attendre, poussa un violent hurlement. Adam, très-surpris, courut à la porte et l’ouvrit. Il n’y avait rien ; tout était calme comme lorsqu’il l’avait ouverte une heure auparavant. Les feuilles étaient immobiles et la lueur des étoiles laissait voir les champs des deux côtés du ruisseau sans aucun objet vivant. Adam fit le tour de la maison et ne vit rien, si ce n’est un rat qui se précipita sous un tas de bois à son approche. Il rentra très-étonné ; le bruit était si singulier qu’à l’instant où il l’avait entendu, il lui avait semblé être une baguette de saule frappant contre la porte. Il ne pouvait s’empêcher de frémir légèrement, en se rappelant combien de fois sa mère lui avait parlé d’un bruit semblable venant annoncer que quelqu’un était mourant. Adam n’était pas homme à superstitions exagérées ; mais il avait en lui le sang du paysan aussi bien que de l’ouvrier, et un paysan ne peut pas plus s’empêcher d’ajouter foi à une superstition traditionnelle qu’un cheval de trembler