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vers son maître, et Lisbeth s’assit toute seule pour pleurer sur son tricotage.

Les femmes, pour n’être ni dures ni rancunières, n’en sont pas moins quelquefois dolentes et larmoyantes. Le sage Salomon, en comparant une femme à une journée de pluie continue, ne devait avoir en vue ni une grondeuse ni une furie aux ongles pointus, aigre et égoïste. Soyez sûr qu’il faisait allusion à une bonne créature, qui n’a d’autre joie que le bonheur de ceux qu’elle harcelle et tourmente, tout en mettant de côté pour eux les morceaux les plus délicats sans en rien garder pour elle-même ; une femme semblable à Lisbeth, par exemple, à la fois patiente et plaignante, s’oubliant elle-même, modeste et exigeante, s’appesantissant sur ce qui est arrivé hier et sur ce qui arrivera probablement demain, et pleurant aussi facilement sur le bien que sur le mal. Mais une certaine crainte se mêlait chez celle-ci à son amour idolâtre pour Adam, et quand il disait : « Laissez-moi tranquille, » elle se taisait toujours.

Ainsi les heures s’écoulaient au monotone tic-tac de la vieille pendule et au bruit du travail d’Adam. Enfin il l’appela pour avoir de la lumière et un peu d’eau à boire (la bière ne se buvait que les jours de fête) ; Lisbeth, alors, se hasarda à dire : « Ton souper est toujours prêt pour quand tu le voudras.

— Ne reste pas à veiller, mère, » dit Adam d’une voix douce. Sa colère était apaisée maintenant, et lorsqu’il voulait être tout à fait agréable à sa mère, il prenait l’accent et le dialecte le plus complet de son pays natal, dont son langage était beaucoup moins empreint dans d’autres moments. « Je m’occuperai du père quand il rentrera ; il se peut qu’il ne revienne pas cette nuit. Je serai plus à l’aise quand vous serez couchée.

— Non, je resterai jusqu’à ce que Seth arrive. Il ne tardera pas, je pense. »