Page:George Eliot Adam Bede Tome 1 1861.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
adam bede.

s’assit sur le banc à chapeler et pleura ; quand elle eut assez pleuré pour rendre sa voix très-lamentable, elle éclata en paroles.

« Non, non, garçon, tu ne voudrais pas partir, pour briser le cœur de ta mère et faire la ruine de ton père. Tu ne me laisserais pas porter au cimetière sans être là pour me suivre. Pourrai-je rester tranquille dans ma fosse si je ne te vois pas à mon dernier moment ? Et comment saurais-tu que je suis mourante si tu partais pour travailler loin d’ici, suivi probablement par ton frère, quand ton père n’est pas capable de tenir une plume, tant sa main tremble, et, de plus, qu’on ne saurait où te trouver ? Il faut pardonner à ton père ; il ne faut pas être si fâché contre lui. Il a été bon père pour toi avant de commencer à boire. C’est un habile ouvrier, qui t’a enseigné ton métier, rappelle-toi, et qui ne m’a jamais donné un coup ou dit une mauvaise parole, même après avoir bu. Tu ne voudrais pas le voir aller à la maison de charité, ton propre père, lui qui était si bel homme et presque aussi habile en toute chose que toi, il y a vingt ans, quand tu n’étais qu’un enfant à la mamelle. »

La voix de Lisbeth devint plus élevée et entrecoupée de sanglots : espèce de lamentation, le plus irritant de tous les sons, là où il y a une vraie douleur à supporter ou un travail positif à faire. Adam l’interrompit avec impatience.

« Allons, mère, ne pleurez pas et ne parlez pas ainsi. N’en ai-je pas assez pour me faire de la peine sans cela ? À quoi sert de me dire des choses que je ne me répète que trop chaque jour ? Si je n’y avais pas pensé, ferais-je ce que je fais, pour tâcher de maintenir les affaires ici ? Mais je ne puis souffrir de parler sans nécessité ; j’aime à garder mon souffle pour travailler au lieu de causer.

— Je sais que tu fais des choses que personne ne ferait, mon garçon. Mais tu es toujours si vif contre ton père, Adam. Tu ne penses jamais faire assez pour Seth ; tu te