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adam bede.

venu. Je crains qu’il ne soit allé de nouveau à la taverne, du Chariot renversé. »

Un vif éclair de colère passa rapidement sur la figure d’Adam. Il ne dit rien ; mais, ôtant sa veste, il commença à remonter ses manches de chemise.

« Que vas-tu faire, Adam ? dit la mère avec une voix et un regard alarmés. Tu ne vas pas te remettre à l’ouvrage sans avoir soupé quelque peu. »

Adam, trop en colère pour parler, entra dans l’atelier. Mais sa mère jeta son tricotage, le suivit, et, le prenant par le bras, lui dit d’un ton de plaintifs reproches : « Non, mon garçon, tu ne peux pas aller sans ton souper ; il y a des tranches au jus, comme tu les aimes. Je les ai gardées exprès pour toi. Allons, viens souper, viens.

— Laissez donc ! dit Adam avec force en se débarrassant d’elle, et saisissant une des planches appuyées contre le mur. Il s’agit bien de manger quand voilà un cercueil que l’on a promis de porter à Broxton demain matin à sept heures, qui devrait déjà y être, et où l’on n’a pas encore planté un clou ! Mon gosier est trop serré pour prendre de la nourriture.

— Mais tu ne peux pas finir ce cercueil, ce serait te fatiguer à mort. Il te faudrait toute la nuit pour le faire.

— Qu’est-ce que cela fait, quelque temps que cela prenne ? Le cercueil n’est-il pas promis ? Peut-on enterrer un homme sans cercueil ? J’aimerais mieux perdre ma main droite à ce travail que de tromper les gens avec de tels mensonges. Cela me rend fou d’y penser. J’en finirai bientôt avec ces manières de faire. J’en ai assez comme cela. »

La pauvre Lisbeth n’entendait pas cette menace pour la première fois, et, si elle eût été sage, elle se serait retirée tranquillement et n’aurait rien dit pendant une heure. Mais l’expérience qu’une femme acquiert le plus difficilement est de ne jamais parler à un homme ivre ou en colère. Lisbeth