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du cerveau, et, par un mélange d’attraction et de répulsion, émeut souvent nos cœurs de sympathie pour des êtres qui nous choquent à chacun de leurs mouvements. Nous entendons une voix exprimer avec les mêmes inflexions que la nôtre des pensées que nous méprisons ; nous voyons des yeux tout semblables à ceux de notre mère se détourner de nous avec une froideur hostile, et notre dernier enfant chéri nous étonne par sa ressemblance de traits et de gestes avec une sœur que nous avons quittée sans regret il y a de longues années. Le père, de qui nous tenons ce qu’il y a de mieux en nous, l’instinct du beau, l’habileté dans les travaux mécaniques, le vif sentiment musical, le talent et l’amour des beaux-arts, peut nous blesser et nous humilier par ses erreurs de chaque jour. La mère que nous avons perdue il y a longtemps, et dont notre miroir nous retrace les traits à mesure que nous avançons en âge, a souvent tourmenté nos jeunes âmes par ses accès d’humeur et ses exigences sans raison.

C’est avec une voix de bonne mère fâchée que vous entendez Lisbeth dire :

« Bien, mon garçon, c’est plus de sept heures à l’horloge. Tu n’avais qu’à rester jusqu’à la naissance du dernier homme. Tu as besoin de souper, je suppose. Où est Seth ? Avec quelqu’un de ses gens de prêche, je gage.

— Eh ! mère, Seth ne fait rien de mal, soyez-en sûre. Mais où est le père ? dit Adam dès qu’il fut entré dans la maison et qu’il eut jeté un coup d’œil dans la chambre à gauche, qui servait d’atelier. Est-ce qu’il n’a pas fini le cercueil pour Toffin ? Tout est là au même point que ce matin.

— Fini le cercueil ! dit Lisbeth en le suivant, sans interrompre son tricotage, quoiqu’en regardant son fils avec beaucoup d’inquiétude. Mais, mon garçon, il est parti cette après-midi pour Treddleston et n’est point encore re-