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adam bede.

assuré, suivi de près par Gyp et son panier ; il se dirige évidemment vers cette maison recouverte de chaume près de laquelle est un tas de bois, à une vingtaine de pas du sommet de la rampe.

La porte de cette maison est ouverte ; une femme âgée regarde en dehors, mais elle ne contemple point tranquillement le coucher du soleil ; depuis longtemps elle fixe de ses yeux obscurcis le point qui s’agrandit peu à peu, et depuis quelques minutes elle est sûre que c’est Adam, son fils chéri. Lisbeth Bede aime son fils de tout l’amour d’une femme pour un premier-né venu tardivement. C’est une vieille femme inquiète, chagrine, maigre, quoique vigoureuse encore, propre comme une boule de neige. Ses cheveux gris sont retenus avec soin sous un bonnet d’un blanc pur entouré d’un ruban noir ; sa large poitrine est couverte d’un mouchoir de mousseline empesée, enfermée dans une espèce de mantelet de toile bleue à carreaux, descendant jusqu’au-dessous des hanches ; puis vient un long jupon de tiretaine. Lisbeth est de haute taille, et il y a plus d’une ressemblance entre elle et son fils Adam. Ses grands yeux bruns sont un peu voilés, — peut-être par trop de pleurs, — mais ses sourcils largement tracés sont encore noirs, ses dents saines, et, tandis qu’elle se tient debout, tricotant rapidement de ses mains endurcies au travail, son attitude est aussi ferme et droite que lorsqu’elle apporte de la source un seau d’eau sur sa tête. Il y a le même type osseux et la même activité de tempérament chez la mère et le fils ; mais ce n’était point d’elle qu’Adam tenait ce front bien dessiné et l’expression intelligente d’un noble cœur.

Il y a souvent quelque chose de profondément triste dans les ressemblances de famille. La nature, ce grand auteur dramatique, nous rapproche souvent par les dons extérieurs et nous sépare par le tissu plus délicatement subtil