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adam bede.

mari en confidence : « Vous aimez M. Craig, mais pour ma part je trouve qu’il ressemble tout à fait à un coq qui pense que le soleil se lève exprès pour l’entendre chanter. » Au reste, M. Craig était excellent jardinier, et n’avait point sans quelques raisons une si bonne opinion de lui-même. Il portait les épaules hautes et avait les pommettes saillantes, penchait un peu la tête en avant, tandis qu’il marchait les mains dans ses poches. Je crois que ses ancêtres seulement avaient l’avantage d’être Écossais, et non ceux qui l’avaient fait croître, car, excepté un accent un peu plus prononcé, sa manière de parler différait peu de celle des gens du Loamshire. Mais un jardinier est Écossais comme un maître de français est Parisien.

« Eh bien, monsieur Poyser, dit-il avant que le bon et lent fermier eût eu le temps de lui parler, vous ne rentrerez pas votre foin demain, je crois ; le baromètre est à variable, et je vous donne ma parole que nous aurons encore de l’eau avant les vingt-quatre heures. Vous voyez ce nuage bleu foncé là-bas sur l’horézon, vous savez ce que je veux dire par l’horézon, là où la terre et le ciel ont l’air de se toucher.

— Oui, oui, je vois le nuage, dit M. Poyser, raison ou non raison. Il est justement sur la jachère de Mike Holdsworth, et c’est une sale jachère.

— Bon, remarquez bien ce que je dis, c’est que ce nuage va s’étendre sur tout le ciel presque aussi vite que vous étendriez une tente sur une meule de foin. C’est une belle chose que d’avoir étudié l’apparence des nuages. Le ciel vous bénisse ! les almanachs métrologiques ne peuvent rien m’apprendre ; mais il y a une fameuse manière de connaître les choses que je pourrais leur montrer s’ils venaient me le demander. Et comment vous portez-vous, vous madame Poyser ? Vous pensez à cueillir bientôt les groseilles, je suppose. Vous ferez très-bien de les cueillir avant qu’elles soient trop mûres, avec un temps comme celui que nous