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quelques minutes, jusqu’au moment où l’horloge de l’église commença à sonner six heures. Avant que le premier coup eût cessé de tinter, Jim le Roux avait lâché son rabot et saisissait sa veste ; Ben le Vif avait laissé une vis à moitié enfoncée et jeté le tourne-vis dans son panier à outils ; Placide Taft, qui, d’accord avec son nom, avait gardé le silence pendant la précédente conversation, avait laissé retomber son marteau au moment où il le levait, et Seth lui-même s’était redressé et étendait la main vers son bonnet de papier. Adam seul avait continué son travail comme si de rien n’était ; mais, n’entendant plus le bruit des outils, il leva les yeux et dit d’un ton indigné : « Voyez ça, à présent ! Je ne puis souffrir de voir des hommes jeter ainsi leurs outils à l’instant où l’horloge commence à sonner, comme s’ils ne prenaient aucun plaisir à leur ouvrage et qu’ils eussent peur de donner un coup de trop. »

Seth parut un peu confus et mit plus de lenteur à ses préparatifs de départ ; mais Placide Taft rompit le silence en disant :

« Eh ! Adam, mon garçon, tu parles en jeune homme ; quand tu auras quarante-six ans comme moi, au lieu de vingt-six, tu n’auras plus tant de zèle à travailler pour lien !

— Qu’est-ce que cela signifie ? répondit Adam encore irrité. Je voudrais bien savoir ce que l’âge doit y faire. Vous n’êtes pas encore enroidi, je suppose. Je déteste voir tomber les bras d’un homme comme s’il était fusillé, avant que l’heure ait complètement sonné, comme s’il ne mettait pas le moindre amour-propre ou plaisir à son ouvrage. La meule à aiguiser même tourne encore après qu’on l’a lâchée.

— Sacrebleu, Adam ! s’écria Ben le Vif, laisse un peu les gens tranquilles, veux-tu. Tu trouvais à redire aux prêcheurs, il y a un moment, — tu n’aimes pas mal à prêcher toi-même. Tu peux aimer le travail plus que le jeu ; pour