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adam bede.

parmi leurs semblables de tous les jours. J’ai été souvent favorisé de confidences de ces natures d’élite, et je trouve qu’elles concourent à prouver que les grands hommes sont beaucoup trop estimés, et les hommes médiocres trop dédaignés. Si vous voulez conserver la plus légère croyance à l’héroïsme humain, il ne vous faut jamais faire de pèlerinage pour voir le héros. J’avoue que j’ai souvent lâchement évité de faire à ces messieurs accomplis et subtils la confession de ma propre expérience. J’ai peur de les avoir souvent approuvés d’un sourire hypocrite, ou encouragés par une épigramme sur la nature changeante de nos illusions, ce que toute personne un peu au fait de la littérature française peut trouver à un moment donné. La conversation, comme je pense que l’ont remarqué plusieurs sages, n’est pas toujours sévèrement sincère. Mais ici je décharge ma conscience et déclare que j’ai eu de vrais mouvements enthousiastes d’admiration pour de vieux messieurs, qui parlaient le plus mauvais anglais possible, qui avaient quelquefois le caractère maussade, et qui n’avaient jamais agi dans une sphère d’influence au-dessus de celle d’inspecteurs de paroisse, par exemple. La manière dont j’en suis venu à conclure que la nature humaine mérite d’être aimée, celle qui m’a appris quelque chose de sa profonde éloquence et de ses sublimes mystères, a été de beaucoup vivre avec des gens plus ou moins lieux-communs, même vulgaires, desquels vous n’entendriez peut-être rien dire de très-remarquable si vous alliez aux informations dans le voisinage de leurs demeures. Il y a dix à parier contre un que les petits boutiquiers qui les entourent n’ont absolument rien vu en eux. Car j’ai observé que ces natures choisies qui aspirent à l’idéal et ne trouvent dans ce qui les entoure rien d’assez grand pour obtenir leur respect ou leur amour, ressemblent singulièrement aux natures les plus rétrécies et les plus mesquines.