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la pénétraient d’une sensation d’effroi. Ses couleurs avaient fait place presqu’à la pâleur ; elle avait cette timidité d’une riche nature faite pour le plaisir et qui frémit à l’idée de la souffrance. Dinah vit l’effet produit, et son tendre plaidoyer en devint plus pressant, jusqu’à ce qu’Hetty, pleine de la crainte vague que quelque malheur devait un jour l’accabler, commença à pleurer.

Nous avons l’habitude de dire que si les êtres inférieurs ne peuvent jamais comprendre les supérieurs, ceux-ci, au contraire, comprennent tout à fait les premiers. Mais je crois que les natures élevées doivent faire cette étude, comme nous apprenons l’art de la vision, par un grand nombre de pénibles expériences, souvent par des meurtrissures reçues en prenant les choses du mauvais côté ou en supposant avoir plus d’espace que nous n’en avons. Dinah n’avait jamais encore vu Hetty affectée de cette manière, et avec sa charité chrétienne habituelle elle se flatta que c’était une impulsion divine. Elle embrassa cette enfant qui sanglotait et pleura avec elle. Mais Hetty était simplement dans cet état d’excitation d’esprit où l’on ne saurait calculer quelle direction les sentiments peuvent prendre d’un moment à l’autre, et pour la première fois elle parut irritée des caresses de Dinah. Elle la repoussa avec impatience et lui dit, avec la voix d’un enfant qui sanglote :

« Ne me parlez pas ainsi, Dinah. Pourquoi venez-vous pour m’effrayer ? Je ne vous ai jamais rien fait. Pourquoi ne me laissez-vous pas tranquille ? »

La pauvre Dinah sentit un serrement de cœur. Elle était trop sage pour persister, et lui dit seulement avec douceur : « Oui, ma chère, vous êtes fatiguée ; je ne veux pas vous retenir plus longtemps. Mettez-vous promptement au lit. Bonne nuit ! »

Elle sortit de la chambre presque aussi légèrement et promptement qu’un esprit ; mais une fois à côté de son lit,