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d’Hetty. Mais, comme tout bruit qui nous frappe dans un état d’abstraction, il n’avait pas de caractère distinct, mais était simplement fort et subit ; aussi était-elle dans le doute de savoir si elle l’avait bien interprété. Elle se leva et écouta, mais tout restait tranquille ; elle réfléchit qu’Hetty avait probablement fait tomber quelque chose en se mettant au lit. Elle commença lentement à se déshabiller ; mais alors, grâce aux suggestions de ce bruit, ses pensées se concentrèrent sur Hetty ; cette douce jeune fille, ayant la vie et toutes ses épreuves devant elle, les devoirs solennels et journaliers d’épouse et de mère en perspective, et un esprit si peu préparé à les remplir, porté seulement à de petites jouissances sottes et égoïstes, comme un enfant qui ne pense qu’à ses jouets au commencement d’un long et fatigant voyage, pendant lequel il devra supporter la faim, le froid et les nuits sans abri. Dinah s’intéressait doublement à Hetty, parce qu’elle partageait l’anxiété de Seth pour le sort de son frère, et qu’elle n’avait point encore découvert qu’Hetty n’aimait pas assez Adam pour l’épouser. Elle voyait trop clairement l’absence d’un naturel aimant et dévoué chez Hetty, pour regarder la froideur de sa conduite envers Adam comme un indice que ce n’était point l’homme qu’elle désirait avoir pour mari. Et ce vide chez Hetty, au lieu de susciter l’improbation de Dinah, ne faisait que la toucher d’une plus profonde pitié. Cette charmante figure l’intéressait comme la beauté intéresse toujours une âme pure et tendre, libre de jalousie égoïste ; c’était un don divin excellent, qui rendait plus évidents les défauts, les péchés, les chagrins auxquels il se mêlait, comme la corruption dans un bouton de lis est plus pénible à voir que dans une fleur commune.

Pendant que Dinah se déshabillait et mettait sa robe de chambre, ce sentiment à l’égard d’Hetty avait pris une pénible intensité ; son imagination avait créé un fagot épi-