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une large marche à peu près à un mètre au-dessous de la fenêtre sur laquelle elle pouvait placer sa chaise. La première chose qu’elle fit en entrant dans sa chambre fut de s’asseoir là et de contempler les champs paisibles au-delà desquels la pleine lune se levait au-dessus de l’avenue d’ormeaux. Elle préférait la prairie où les vaches laitières étaient couchées, et après celle-là celle où l’herbe était à moitié fauchée et couchée en lignes argentées. Son cœur était plein, car il ne devait plus y avoir qu’une seule nuit où elle pourrait contempler ces champs avant de les quitter pour bien longtemps ; mais elle s’occupait peu de devoir quitter cette scène même, car le triste Snowfield avait pour elle tout autant de charmes ; elle pensait aux personnes aimées dont elle avait appris à s’occuper au milieu de ces paisibles campagnes, et qui auraient maintenant et pour toujours une place dans ses souvenirs. Elle pensait à toutes les luttes et les fatigues qui pouvaient encombrer le reste de leur route en cette vie, quand elle serait loin d’elles, et qu’elle ne saurait plus rien de ce qui pourrait leur arriver ; et cette pensée l’oppressa bientôt assez fortement pour qu’elle ne pût plus jouir de ce calme des champs éclairés par une lune si brillante qu’elle contrastait avec ses pensées. Elle ferma les yeux afin de se recueillir plus pleinement dans le sentiment d’une sympathie et d’un amour plus profonds et plus tendres que n’en pouvaient offrir la terre et les astres. C’était souvent la manière de prier de Dinah lorsqu’elle était seule. Simplement fermer les yeux et se sentir enveloppée par la présence divine ; et peu à peu ses craintes, ses vives inquiétudes pour les autres se fondaient comme des glaçons dans un chaud océan. Il y avait au moins dix minutes qu’elle était assise ainsi, parfaitement immobile, les mains croisées sur sa poitrine et sa calme figure éclairée par les pâles rayons de la lune, quand elle fut surprise par un bruit sonore, apparemment quelque chose tombant dans la chambre