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avancée, était vraiment une fille au cœur tendre, et, comme disait madame Poyser, un bijou pour soigner la volaille ; mais sa figure, sans expression, ne laissait rien voir de ce plaisir maternel, pas plus qu’un pot de terre brune ne laisse passer la lumière de la lampe qu’il renferme.

C’est ordinairement un œil féminin qui découvre le premier les défauts cachés sous la « chère tromperie » de la beauté ; aussi n’est-il pas surprenant que madame Poyser, avec sa pénétration ordinaire et les nombreuses occasions qu’elle avait de l’observer, se fût formé une opinion assez juste de ce qu’on pouvait attendre d’Hetty dans le domaine du sentiment. Dans ses moments d’indignation, elle en avait quelquefois parlé à son mari avec une grande franchise. « Elle ne vaut pas mieux qu’un paon qui se percherait sur le mur et étalerait sa queue au soleil, quand même tous les gens de la paroisse seraient à la mort ; il semble que rien ne peut la remuer intérieurement, pas même quand nous avons cru que Totty était tombée dans le puits. Quand on pense à ce chérubin chéri ! Dire que nous l’avons trouvée avec ses petits souliers plantés dans la boue et qui criait à se briser la poitrine là-bas vers le puits des chevaux ! Mais Hetty ne s’en inquiétait pas, je l’ai bien vu ; elle ne l’aime guère, quoiqu’elle s’en soit occupée depuis qu’on la portait au bras. J’ai dans l’idée, moi, qu’elle a le cœur aussi dur qu’un caillou.

« Non, non, disait M. Poyser, il ne te faut pas juger Hetty trop sévèrement. Les jeunes filles sont comme le grain qui n’est pas mûr ; il fera plus tard une bonne nourriture, mais pour le moment il est mou. Tu verras qu’Hetty ira très-bien quand elle aura un bon mari et des enfants à elle.

Je ne tiens pas à la juger sévèrement. Elle a de l’adresse dans les doigts et peut se rendre assez utile quand elle veut. Je la regretterai pour le beurre, car elle a la main